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Batterie des carrières

"Une batterie est un petit fort destiné à recevoir des canons."

La gorge

La batterie des Carrières se situe sur la commune de Limonest au nord du lieu-dit les Roches, à la côte 553, en bordure de l’actuelle route départementale 92 qui relie Limonest à Poleymieux-au-Mont-d'Or, au voisinage des anciennes carrières.

Cet ouvrage appartient au système fortifié allant de Dunkerque à Nice, conçu, après la guerre franco-prussienne de 1870-1871.

Le nouveau directeur du Service du Génie au ministère de la Guerre, le général Raymond Adolphe Séré de Rivières (1815-1895), a donné son nom à ce système.

Mise en chantier en 1874, la batterie des Carrières avait pour mission de battre les angles morts des batteries du fort du mont Verdun et de remplir les missions de tir que celui-ci ne pouvait assurer.

Conçue pour servir 6 canons tirant plein ouest face au Bois Dieu, elle dispose de 3 plates-formes de tir.

La batterie des Carrières a été déclassée en 1900, c’est-à-dire désarmée et affectée au stockage ou réservée au logement des troupes de passage. Après la guerre de 39-45, des prisonniers allemands y seront logés.

En 1983, la commune de Limonest a acquis la batterie des Carrières mise en vente par le service des domaines. L’association Limonest Patrimoine a entrepris en 2003 la restauration de cette fortification, ce qui lui a valu en 2006 une “Mention Spéciale” au Prix du Patrimoine du Rhône.

Début 2016, après 5 chantiers internationaux de jeunes, environ 15 000 heures de travail ont été effectuées.

Limonest Patrimoine intervient chaque jeudi matin et peut vous guider pour une petite visite à partir de 11 heures.

Casernement

Armement

Plates-formes de tir

Plate-forme de tir

Dans une enceinte fermée, cette batterie comportait un armement principal de 6 canons, placés sur des plates-formes de tir (photo de gauche) pouvant battre le secteur entre les hauteurs de la Chicotière et la couverture du fort du Paillet (voir carte). Il s’agissait essentiellement d’interdire les routes et voies ferrées menant à Lyon.

Traverses

Les traverses sont des masses de terre perpendiculaires au parapet protégeant la plate-forme des canons contre d’éventuels tirs latéraux, et recouvrant des abris.

Traverse

Abris sous traverses

Bras de traverse

Sous les traverses, sont aménagés des abris voûtés du fond desquels les servants pouvaient accéder aux plates-formes de tir par deux petites galeries latérales, les bras de traverses. À la Batterie des Carrières ces galeries, fermées lors d’une conversion des abris en magasins, ont été rouvertes par l’association.

Les abris sous traverse servaient, tant pour entreposer le matériel que pour préserver le personnel de quart, ou comme atelier pour préparer les munitions (confectionner les gargoussesLa gargousse est une charge de poudre à canon dans son enveloppe. propulsives, remplir les obus et fixer les fusées). En outre, en temps de paix, deux canons de moyen calibre pouvaient y être remisés.

Abri sous traverse

Autres réduits

Petit réduit

À côté de chaque entrée d’abri et sur le même mur, un réduit, lui aussi voûté, de 1 m de large sur 3,4 m de profondeur formait un petit magasin où étaient entreposées les munitions de sécurité ; une dizaine de coups complets par pièce de canon. Des caisses à poudre pouvaient y être entreposées pour une courte durée, car elles craignent l’humidité.

Défense rapprochée

La batterie des Carrières est un ouvrage unique, du moins pour les fortifications du 1er secteur de défense de Lyon (Au Nord-Ouest de la ville, de la Saône jusqu’aux contreforts des Monts du Lyonnais), car elle possède un périmètre défensif fermé.
La batterie des Carrières surveille la route stratégique qui la longe en amont et en aval.

La vue était alors dégagée, car la 1re zone de servitude qui entoure l’ouvrage sur 250 m de profondeur concernait notamment les mouvements de terrain (carrière, route, etc.), la végétation et les constructions (clôtures comportant au moins 90 % de jour).

Au Sud

Le casernement constitue un réduit défensif. Chacune des trois casemates est munie de trois postes de fusiliers comportant meurtrière horizontale et créneau de pied. Ce dernier permet de jeter des grenades dans le fossé.

Les trois meurtrières sont surmontées d’une large ouverture assurant l’évacuation des fumées et gaz toxiques résultant de la combustion de la poudre noire. L’ensemble des meurtrières contrôle les approches de l’ouvrage provenant du Sud.

Une fosse creusée dans le rocher sous les créneaux de pied constitue un obstacle au déplacement dans le fossé.

En bas, les créneaux de pied

Au Nord

Entrée

La gorge (entrée de l’ouvrage), fait face au débouché du chemin de la Glande. Elle est sous la protection du fort du Mont Verdun.

L’enceinte est fermée par un portail, comportant 2 meurtrières verticales, posé récemment sur le modèle de celui du fort du Mont Verdun (même entrepreneur lors de la construction).

À gauche de l’entrée, une position de défense comporte une petite plate-forme surélevée avec une banquette pour tirer par-dessus le fossé.

À droite de l’entrée, le mur est percé de 4 meurtrières verticales pour défendre l’angle Nord-Est. En avant, la butte de protection extérieure est précédée d’une petite fosse qui augmente la hauteur du mur.

À l'Est

Un mur de 75 mètres de long, dominant la route stratégique, ferme l’ouvrage de ce côté. C’est une simple clôture, car de ce côté, la défense rapprochée est assurée par le fort du Mont Verdun. Par contre, au Sud-Est, le saillant 2 forme une sorte de redan dont le parapet peut être utilisé par des fusiliers.

Clôture côté route

À l'Ouest

Entrée

Une simple escarpe aménage la falaise d’environ 4 à 5 m de haut et domine un glacis pentu et, à l’époque, dénudé. Cet environnement naturel équivaut aux obstacles des contrescarpesPente extérieure d''un fossé située vers la campagne (opposée à l''escarpe). taillées des faces Nord et Sud. Vers les années 1890, en avant des plates-formes, un réseau de ronce artificielle compléta la défense.

Aucune crête de feux d’infanterie n’est aménagée. De ce côté, la défense est assurée essentiellement par le tir à mitraille des canons, complété par l’action de fusiliers.

Casernement

On va de l’entrée de la batterie au casernement par un chemin longeant le mur d’enceinte. Le haut de ce mur forme un parapet assurant une protection contre les tirs latéraux.

Un escalier conduit directement du casernement au terre-plein central.

Le bâtiment

Enfilade des casemates

Le casernement est constitué de 3 casemates rectangulaires voûtées, chaque voûte a une portée de 5 m pour une longueur de 10 m, un piédroit d’environ 1,2 m d’épaisseur sépare les casemates. L’importance des piédroits s’explique par le fait que chaque voûte était auto-stable afin d’éviter que l’effondrement d’une casemate entraîne la destruction des autres.

Les maçonneries, assemblées au mortier de chaux hydrauliqueChaux qui a la propriété de durcir sous l'eau., sont d’une épaisseur d’environ 1 m, et recouvertes de cailloutage afin d’amortir le choc des projectiles. La cheminée du fourneau émerge sur les dessus de l’ouvrage. Ce point haut était-il utilisé en temps de paix pour la surveillance globale de la batterie et des abords ?

Porte du casernement

La couverture

Pour éviter l’humidité venant du dessus, une couche d’argile recouvre les casemates qui semblent ne jamais avoir été recouvertes de tuiles. Une chemise latérale maintient un courant d’air qui évite le contact des 2 murs enterrés avec l’humidité de la terre. Les maçonneries sont réalisées en pierre des carrières des Monts d’Or. L’intérieur était blanchi à la chaux afin de transmettre un maximum de luminosité et de profiter au mieux de la faible lumière provenant des ouvertures.

Le logement des hommes

L’officier logeait dans la 1ʳᵉ casemate ainsi que probablement les 6 chefs de pièce, car en plus de contrôler les déplacements, ils bénéficiaient de la chaleur du fourneau. Ce fourneau se situait à droite juste après la porte d’entrée.

De l’autre côté en entrant le long du mur de gauche les supports du réservoir d’eau sont encore visibles ; son alimentation était prévue de l’extérieur à l’aide de corvées.

C’est dans cette casemate que se faisait la cuisine et que les provisions étaient rangées. Là se trouvait la cloche actionnée depuis le portail d’entrée de la batterie.

Dans chaque casemate, deux anneaux de voûte étaient destinés à supporter la planche à painLe pain, livré en boules de 1,5 kg correspondait à 2 rations journalières, d’où l’expression “1 boule à deux”., pour protéger celui-ci des rongeurs. Les lampes à pétrole étaient placées sur des supports muraux en bois pour en faciliter l’utilisation et l’entretien quotidien.

Pour accéder aux autres casemates, il faut traverser la 1ʳᵉ. Une porte de séparation isolait la 1ʳᵉ casemate des 2 autres. Les 32 hommes se répartissaient en 2 chambrées de 16. Dans ces casemates, ils prenaient leurs repas, passaient leur temps libre et dormaient sur des blocs de 4 couchages sur 2 niveaux. Une planche à paquetage regroupait leur équipement individuel.

Le local annexe

Une petite construction tardive fut bâtie à l’angle sud-est de la fortification, juste à côté de l’entrée du casernement. Les traces restantes permettent d’identifier un local d’environ 18 m² avec un toit sur structure métallique à une pente appuyé sur le mur du casernement et sur des rehaussements du mur d’enceinte.

Une meurtrière à l’angle sud-est devait permettre un tir fichant sur la route et le débouché du fossé. Le mur nord comportait porte et fenêtre.

Les restes de canalisations, lavabo, consoles métalliques ou conduit de cheminée font penser à un local construit, soit pour l’hygiène des militaires, soit pour le logement d’un garde de batterie.

Local annexe

Le bornage

Limites de propriété

Le procès verbal de bornage du 4 décembre 1894 délimite le terrain militaire extérieur formant la zone des fortifications de la batterie des carrières sur la commune de Limonest. Cette délimitation est notifiée aux propriétaires riverains de façon bien tardive puisque l’ouvrage a été construit entre 1874 et 1878 et que le plan a été arrêté par Monsieur le Ministre de la Guerre le 7 mars 1892.

Borne octogonale

Certaines de ces bornes sont encore visibles, elles sont en pierre de taille, de forme octogonale ; “le centre de leur surface supérieure indique la limite de la zone de circonscription et, sur cette face, sont gravés le numéro de la borne et deux traits partant du centre dans la direction aboutissant aux bornes voisines …” (cf. PV du LCL Vieillard). Ces bornes sont en calcaire dur de Villebois aux fissures horizontales caractéristiques appelées “stylolithes”.

La batterie des carrières semble ne jamais avoir été clôturée en limite de terrain militaire. Ceci s’explique probablement par l’existence du périmètre défensif fermé, caractéristique unique dans les Monts d’Or.

Le terrain en friche vendu à la municipalité de Limonest, par le service des domaines le 28 décembre 1983 comporte 89 a 40 ca. Il correspond au bornage d’origine sauf pour la partie initialement commune avec la route stratégique n°2 dont les bornes 6,7, et 8 sont déclarées sous la chaussée.

À noter une curieuse petite borne triangulaire (triangle équilatéral de 22 cm de côté) sur la limite de propriété au sud, ne correspondant à aucune division parcellaire connue. A-t-elle servi à la chefferie du Génie pour implanter la fortification ?

Borne triangulaire

Limites de servitude

Borne carrée

Ces bornes sont réglementairement de section carrée avec, sur un côté, leur numéro en chiffres romains. Le dessus légèrement pyramidal comporte aussi 2 rayons directionnels.

Les 3 réseaux de servitudes délimitent des zones dans lesquelles sont établies des restrictions concernant les terrains et constructions. Les zones de servitudes élémentaires homothétiques de chaque fortification se combinent en fonction de leurs distances respectives. Une véritable chasse à la borne a permis de redécouvrir l’essentiel de ces réseaux.

La batterie des carrières est l’origine d’implantation de 10 de ces bornes. Elles sont répertoriées ci après :

  • La zone 1 des 250 m rejoint celle du fort du Mont Verdun.
    • n° 1 visible dans un pré vers le col du Verdun.
    • n° 7 visible au pré Pannetier.
    • n° 8 visible en bordure d’un accès de pré à la Glande.
    • n° 9 non accessible car dans un jardin privé.
    • n° 10 reste à trouver à une intersection entre la route du Mont Verdun (CD 92) et le chemin des Carrières.
  • La zone 2 des 487 m (250 toises).
    • n° 16 reste à trouver vers la ferme Dunand.
    • n° 17 au quartier de Bellevue sur domaine public, réutilisée, mais pas à l’emplacement d’origine.
    • n° 18 en bordure du chemin des carrières.
  • La zone 3 des 974 m englobe le fort du Mont Verdun et 3 de ses batteries.
    • n°44 reste à trouver vers le chemin du bois d’Ars.
    • n°45 couchée en bordure du chemin de la Chataignière, en limite commune avec la batterie de Narcel.


* Avec l'aimable autorisation du Colonel Bonijoly, écrivain et spécialiste des fortifications.